Ma première réflexion sera de me dire qu'en peu de temps un grand progrès à été parcouru.
1874, ce n'est pas le Moyen âgeC'est l'année de naissance de mes grand-parents. Ma mère était à 12 ans servante dans une ferme (après 3 ans de scolarité, de 9 à 12 ans), car son père, ouvrier agricole était de condition très modeste. Elle aurait pu rester plus longtemps à l'école en entrant au « juvénat ». Les « bonnes » élèves de familles modestes étaient cooptées par les religieuses et c'étaient le moyen de promotion sociale.
Ce texte juridique de 1874, un peu rébarbatif, est plein d'enseignements sur la société française de cette époque. Pour en faciliter la lecture, j'ai « colorié » les passages les plus significatifs des mœurs, de la religion, et des conditions de travail. Ce texte est riche également de longues listes de métiers aujourd'hui disparus.
Une première loi limitant le travail des enfants, votée en 1841, demeure sans effet. Ceci rend donc nécessaire l'élaboration d'un second texte de loi. L'idée, à plusieurs reprises d'actualité sous le Second Empire, se concrétise le 19 mai 1874, après plusieurs mois de débat à la Chambre des députés.
Défait par les armées prussiennes, la France de la Troisième République connaît alors une grave crise morale. L'une des raisons avancées pour expliquer les causes de ce désastre est la faiblesse de la constitution des conscrits français face à celles de leurs ennemis. La limitation du travail des enfants doit leur permettre une croissance plus saine.
Nous sommes aujourd'hui choqués par le travail des enfants encore pratiqué dans de nombreux pays, que l'on regarde avec « condescendance ». Soyons modestes, car à l'échelle de l'histoire, nous en étions au même point voici seulement trois générations.
J'observe également que les industriels essayaient d'obtenir des dérogations à la Loi disant que leur industrie était en danger. Cela rappelle les réactions lors de l'application des 35 heures plus récemment.
Avant d'entrer dans des textes froids et secs,lisons un texte décrivant ces enfants aux travail.
« Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ?
Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules ;
Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison, le même mouvement
Accroupis sous les dents d'une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue.