À Tours, 2000 chercheurs de 110 pays planchent cette semaine sur l'avenir
de cette population mondiale, dominée par six pays, Chine et Inde en tête.
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Vertiges des chiffres de la démographie.
- Chaque seconde la Terre compte deux humains de plus.
- La population mondiale s'accroît de 75 millions de personnes chaque année.
- Six pays mènent le bal : la Chine, l'Inde, les États-Unis, l'Indonésie, le Brésil et le Pakistan.
- L'espérance de vie moyenne, tous pays confondus, est désormais de 65 ans, mais les écarts demeurent énormes : 37 ans au Zimbabwe, 82 ans au Japon.
La démographie nous projette dans l'avenir du monde.
- De six milliards d'humains, fin 2005, on passerait à 8 milliards en 2025 et sans doute à 9 ou 10 milliards en 2050.
- La croissance de la population dans les prochaines décennies s'annonce donc soutenue, mais on est loin des prédictions catastrophistes qui avaient encore cours à la fin des années 80. On parlait alors de quinze milliards d'humains à l'horizon 2050.
- Depuis, la « transition démographique » a touché de plus en plus de pays. Le contrôle des naissances s'est répandu.
« Trois milliards de personnes en plus d'ici au milieu du siècle, c'est beaucoup, mais c'est gérable »
estime la démographe Catherine Rollet, qui préside le comité d'organisation du congrès de Tours.
2050, c'est demain.
- L'Asie rassemblera 58 % de l'humanité.
- L'Inde sera le pays le plus peuplé avec 1,5 milliard d'habitants devant la Chine (1,4 milliard).
- Le Pakistan, par exemple, aura plus que doublé, passant de 162 millions d'habitants à près de 350 millions.
- Idem pour le continent africain, en dépit du sida et de ses millions de morts.
- En revanche, une trentaine de grands pays industrialisés vivront un hiver démographique. Le Japon perdrait ainsi près de 15 % d'habitants.
Moins d'Européens
Et nous, les Européens ? Quel visage aura notre Vieux Continent ? Les chercheurs plancheront, jeudi, sur cette question du vieillissement dans une Europe des Vingt-Cinq qui, selon les scénarios, perdrait d'ici à 2050 de 13 % à 20 % de sa population.
Diminution des actifs. Augmentation de l'espérance de vie. Révision des systèmes de retraite. Choix ou non de développer l'immigration. Des questions cruciales. Mais aux yeux des démographes, le problème du vieillissement de la population - qui est en soi une bonne nouvelle - se pose tout autant, sinon plus, aux pays en voie de développement.
Un chercheur indien a calculé que la population des seniors allait plus que tripler dans son pays d'ici au milieu du siècle. Même chose au Pakistan. « Compter entièrement sur les familles pour fournir des soins aux personnes âgées, pourrait ne pas suffire, en raison de sérieux problèmes de pauvreté et de chômage dans nos pays », écrit cet universitaire.
Le Sud vieillit
Comment garantir une vie décente aux plus âgés dans des pays dépourvus de systèmes de retraite et de structures d'accueil collectif ? « Ce vieillissement de la population qui commence à toucher les pays du Sud, ce sera l'un des changements sociaux les plus importants du XXIe siècle », estiment les experts du congrès de Tours.
Dans ce tableau de la démographie mondiale, la France a, finalement, des airs de paradis qui s'ignore. On continue d'y faire des enfants. Le pays a l'un des meilleurs taux de fécondité d'Europe derrière l'Irlande. La longévité y est excellente, surtout côté femmes. Le système de protection sociale, fragile sans soute, est très envié. Bref, la France n'a pas à être morose.
Ce sera la vraie révolution du XXIe siècle : le passage d'une phase d'explosion à une phase d'implosion de la population mondiale. Ce devrait être l'un des thèmes du Congrès mondial de la population qui se tient cette semaine à Tours. Certes, la population mondiale va continuer de croître sous l'effet de la vitesse acquise au siècle dernier. Nous sommes aujourd'hui 6,5 milliards d'êtres humains vivants sur Terre contre 1 en 1800. Une explosion sans précédent. Ces populations plus nombreuses nées au siècle dernier, donnent actuellement des enfants qui vont grossir la population mondiale. Nous serons très vraisemblablement plus de 8 milliards avant le milieu du siècle. Mais le rythme va se ralentir brutalement sous l'effet d'une chute historique de la fécondité qui a déjà commencé dans le monde.
Contrairement à une opinion très répandue, ce n'est pas seulement sur le Vieux Continent que la fécondité s'effondre. C'est partout dans le monde.
- En Europe, il a fallu deux siècles pour passer d'une fécondité moyenne de cinq à six enfants par femme, à une fécondité de 1,4 enfant par femme.
- Dans le reste du monde, il a suffi d'un demi-siècle pour passer de six à moins de trois enfants par femme. Le phénomène est particulièrement spectaculaire dans le pays le plus peuplé du monde, la Chine. Celle-ci connaît aujourd'hui une fécondité de 1,6 enfant par femme, inférieure à celle de la France (1,9). Cette chute ne peut que s'accélérer avec la modernisation du pays.
- En effet, les autres pays d'Asie peuplés de Chinois, mais déjà plus avancés en termes de développement, connaissent des taux de fécondité encore plus bas que ceux de la Chine continentale : 1,3 à Singapour, 1,2 à Taïwan, 1 à Hong-Kong. De même, les autres pays développés d'Asie ont des taux de fécondité très faibles : 1,2 en Corée du Sud, 1,3 au Japon (1).
Autrement dit, le développement économique favorise la chute de la natalité alors que c'était la pauvreté qui était à l'origine de fécondités élevées, comme on le voit en Afrique. On faisait des enfants pour avoir à manger. On raréfie les naissances pour permettre à chaque enfant de s'élever plus vite dans une échelle sociale dynamisée par le développement économique.
Le mystère français
Personne, aujourd'hui, n'est capable de prévoir les conséquences de cette implosion de la population mondiale. Jusqu'où ira-t-elle quand nous aurons franchi le seuil des 9 ou 10 milliards d'êtres humains ? Y aura-t-il une stabilisation du nombre des hommes, une reprise de la natalité ou une chute durable de la population ? Les spécialistes sont prudents.
Qui aurait dit, voilà quelques années, que les pays les plus catholiques d'Europe (c'est-à-dire les plus réticents à employer les moyens techniques de contrôle des naissances) connaîtraient, aujourd'hui, les taux de fécondité parmi les plus faibles du continent : autour de 1,2 enfant par femme en Italie, en Espagne et en Pologne ?
Le cas de la France intrigue beaucoup. Pourquoi ce pays a-t-il relevé sa fécondité au cours des dernières années, alors qu'il connaît un taux de chômage record, et que tous les sondages le situent parmi les plus pessimistes du continent ? Sans doute parce qu'il jouit - quoi qu'on dise - d'un système social plus généreux qu'ailleurs. Peut-être, aussi, parce que, déçu par les grands rêves collectifs, il se replie sur des ambitions familiales et fait des enfants, faute de faire des révolutions.
S'il y a des incertitudes sur le nombre des humains à la fin de ce siècle, il n'y en a pas sur leur âge. Le vieillissement est à l'oeuvre partout.
- La proportion des plus de 60 ans va doubler dans le monde d'ici à 2040,
passant de 10 à 20 % de la population totale. - En Europe, on va passer de 20 à 35 %.
- Il ne faut pas voir dans ce phénomène une catastrophe.
Il signifie d'abord, que la mort recule et que l'on pourra être en bonne santé et travailler jusqu'à 75 ans. Ce qui sera d'ailleurs nécessaire si l'on veut pouvoir financer une retraite décente.
L'humanité n'a pas fini de nous surprendre. Et ce qui bouge le plus n'est pas toujours ce que l'on voit le mieux.
- Extrait de l"Ouest-France" des 19 et 20 juillet 2005
- Oh ! Vieillesse ennemie
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