08 novembre 2007

Toute la vérité n'est pas dans les gènes


Ouest-France - jeudi 08 novembre 2007
par Jean-François Bouthors (*)


Toute la vérité n'est pas

dans les gènes


Dans la loi sur l'immigration, les parlementaires ont maintenu la possibilité de recourir à un test ADN, en vue de prouver un lien de filiation, par la mère, dans le cadre d'une demande de regroupement familial. Il ne s'agit plus d'une mesure contraignante, et elle ne sera pas à charge du demandeur, mais de l'État français. On a également contourné le risque de « démasquer » une naissance illégitime, puisque c'est le lien maternel qui est recherché.Du côté de la majorité et du gouvernement, on considère donc avoir réglé le problème. L'est-il vraiment ? Nombre d'opposants ont souligné le caractère simplificateur et rétrograde d'une réduction de la filiation au seul « lien du sang ».

Nous avons appris, depuis Freud, que la chair, à elle seule, ne fait pas tout l'engendrement. Il faut une relation qui se construit dans la parole, dans l'accompagnement et l'engagement au jour le jour. C'est ce qui est oublié dans le dispositif sauvegardé.Mais le recours à l'ADN, comme élément de preuve, pose un autre problème.

Le souci affiché de la loi, c'est d'éviter que le regroupement familial ne soit l'une des portes dérobées de l'immigration clandestine, et de s'assurer de la possibilité d'une insertion réussie des nouveaux venus.

Ce faisant, on demande à la génétique, science de l'hérédité, d'offrir un élément de réponse au problème que nous pose l'intégration des personnes d'origine étrangère. Mais le fait qu'un enfant s'intègre, ne tient pas à son lien de sang avec son père ou sa mère, mais d'abord à l'intégration des parents eux-mêmes, dans un cercle de relations où l'enfant bénéficiera de la parole échangée, de la solidarité, du respect mutuel, etc.

Toutes choses qui ne se « lisent » pas dans l'ADN.Il y a quelques mois, le professeur Didier Sicard, président du Comité national d'éthique, lançait un cri d'alarme quant à l'utilisation du dépistage prénatal et aux dérives rendues possibles par les progrès techniques, notamment en matière de génétique. Il dénonçait l'idée que « la science dise vrai », et justifie des comportements « d'éradication sociale ».

De quoi s'agissait-il ? De la possibilité, grâce au progrès de la génétique, de dépister un certain nombre d'affections potentielles, et de les éliminer en ne mettant pas au monde des enfants susceptibles d'en être affectés.Comme on voudrait ne pas laisser entrer en France ceux qui ne seraient pas les enfants « par le sang », on s'habitue à l'idée de ne pas laisser naître des enfants qui n'auraient pas les qualités génétiques suffisantes.

Le professeur Sicard citait le cas de la trisomie 21, déjà dépistée presque systématiquement, et il indiquait que la France apparaissait comme singulièrement moins tolérante que les autres pays européens à « l'anomalie ».Ce qui s'installe, peu à peu, c'est que la vérité se cache dans les gènes.

Ici, les intérêts économiques ne sont pas minces : le marché des tests génétiques est en pleine expansion. Le Monde le chiffre de 30 milliards d'euros, en 2006, à l'échelle mondiale (1,35 milliard en France, en 2005 !), pour ce que l'on appelle le « diagnostic in vitro ».

En réalité, la seule vérité qui tienne durablement pour une communauté humaine, c'est celle que nous mettons en oeuvre dans les relations personnelles et sociales, et pas celle des stratégies d'élimination des individus qui posent problème.

Certains ne voudraient-ils pas trouver dans la génétique les origines de la pédophilie ou de la délinquance ?

Encore et toujours, rappelons-nous que c'est du côté de la solidarité, de la prise en compte des différences qu'il faut chercher la cohésion de la société, et non pas dans une forme de pseudo-vérité scientifique.

Jean-François Bouthors - Éditeur et écrivain

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