D'autres murs
· 500 km entre le Botswana et le Zimbabwe (anti-immigration)
· 1 416 km entre la Chine et la Corée du Nord (anti-terrorisme)
· 650 km entre la Malaisie et la Thaïlande (anti-immigration)
· 120 km dans le parc national Kruger en Afrique du Sud pour se protéger des immigrants du Mozambique.
- 1 700 km entre le Turkménistan et l'Ouzbékistan (anti-immigration)
Ça rapporte gros
Aux États-Unis, le Département de la sécurité intérieure estime que la valeur du marché mondial de la sécurisation des frontières atteindra, d'ici à 2015, la somme de 178 milliards de dollars. Un débouché particulièrement juteux pour les entreprises de construction comme Elbit. Elle construit les deux murs israélien et américain.
À l'intérieur des pays, le marché des murs est tout aussi prometteur. Dans plusieurs villes américaines et d'Afrique du sud se multiplie la construction de cloisons étanches entre quartiers riches et pauvres. Sans parler des communautés désireuses de vivre entre elles ou de ces résidences pour personnes riches et âgées en projet ici-même, en France.
Curieux retour de l'histoire. Comme au Moyen Âge, on s'emmure pour se protéger.
“Leur sort est d’être franchis”
« Je viens de l'autre côté du Mur ». Georges Banu, aujourd'hui professeur d'université en France, est né en Roumanie au temps de la guerre froide. « De là, le Mur prenait le sens d'un empêchement tragique, d'une violence faite aux libertés. »
Spécialiste de Shakespeare, auteur de plusieurs ouvrages sur le théâtre, il rappelle que Winston Churchill emprunta au théâtre l'expression « le rideau de fer» pour désigner le Mur de Berlin. « Sa chute fut d'ailleurs l'avant-dernier acte d'une tragédie dont le lever de rideau cauchemardesque eut lieu en 1961. Je préfère retenir le dernier acte, celui de la joie, de l'enthousiasme, symbolisé par la musique de Rostropovitch au pied du mur enfin abattu. En même temps, je n'oublie pas ceux qui sont morts à cause de lui. J'imagine même un nouveau mur où seraient gravés les noms de ceux qui ont payé de leur vie d'avoir essayé de le franchir. Ce serait le Mur du Mur ».
Ce serait bien le seul, avec les murs de mémoire comme ceux de la Shoah, à Paris, ou des Vétérans du Vietnam, à Arlington, qui trouverait grâce aux yeux de cet homme tout en douceur. Il ne comprend pas que tant de pays choisissent encore d'ériger des murs : « Ce sont des tentatives désespérées de résister à l'évolution du monde, alors que l'avenir est basé sur la mixité entre les peuples, le métissage, l'effacement des frontières. Dans cette époque d'immigration planétaire, on essaie vainement d'élever des murs pour se protéger. C'est avoir une vision archaïque, enfantine. Le sort d'un mur n'est-il pas d'être franchi ? Les hommes politiques, les dirigeants des pays devraient plutôt intégrer l'idée que les murs, à un moment ou un autre, finissent par tomber ».
Dans un livre (Des murs au Mur, 160 pages, 20 €, chez Gründ), Georges Banu dénonce aussi bien le mur construit par les Américains « pour se protéger des Mexicains » que celui érigé par les Israéliens pour isoler la Cisjordanie. « Les murs, quels qu'ils soient, ne cachent pas la vérité. Là où ils existent, ils sont un appel à l'insoumission, à la révolte ».