07 avril 2006

Ciblage Peu Efficace – CPE ?

Ciblage Peu Efficace – C P E ?

A ceux qui manifestent et se mobilisent contre le CPE, je voudrais dire ceci.
Lorsque l’on souhaite lutter contre les inégalités et les méfaits de l’ultra libéralisme, il est bon de connaître son ennemi. En l’occurrence, si, certes, le CPE est un recul des avantages sociaux durement acquis en France, il n’est que le résultat d’une progression régulière et constante du libéralisme en France. A mon sens il est vain de lutter contre le résultat d’une libéralisation culturelle, sociale et économique d’un pays, il faut davantage s’attaquer à la source (du mal). Quelle est cette source ? Certains diront qu’il s’agit d’abord de lutter contre une certaine idéologie. Oui, certes, mais cela reste de la rhétorique, comme de discuter sans fin sur bien fondé du RMI quand on a le ventre plein et le lit assuré.
A mon sens, le libéralisme progresse parce que la société de consommation fonctionne parfaitement en France et même de plus en plus. Le libéralisme se nourrit de cette fuite en avant vers toujours davantage de profit et de bénéfices, avec des économies d’échelle recherchées dans les fusions d’entreprises toujours plus grandes, à travers la mondialisation et le marketing télévisuel, ainsi que par une homogénéisation de tous les produits consommables dans le monde. Il suffit de rentrer dans les nouveaux supermarchés du Chili pour oublier que l’on est en Amérique latine : tous les produits sont occidentalisés, européanisés, mondialisés. Et les chiliens qui habitent dans un pays où l’ultra libéralisme n’a rien à envier aux Etats-Unis, s’endettent à qui mieux mieux pour consommer, acheter, posséder tout ce que la publicité, le marketing et la frustration née d’un matraquage mondialisé incitent à acquérir. Pauvres Chiliens ! Mais il ne font que nous imiter, nous, pays industrialisés.
Mais, lorsque que je vois en France, manifester contre le CPE, ces étudiants ou adultes arborant des tee-shirt Adidas, des chaussures Nike, le lecteur MP3 dans la main, le portable avec oreillette dans la poche, prenant des clichés de la manif’ avec l’appareil photo numérique dernier cri qu’ils pourront ensuite télécharger sur leur laptop relié à Microsoft en espérant être sélectionnés pour apparaître sur le website de Libération… alors, je reste songeur.
Voilà bien la contradiction majeure. Consommer ce que la société ultra-libérale propose, c’est jouer son jeu, c’est favoriser son essor. Le dernier outil électronique à la mode, l’indispensable gadget, la chaussure de la saison, les vêtements aux couleurs à la mode, le dernier modèle de chez Renault… Mais aussi, le dernier yaourt à la mangue, les corn flakes sans cholestérol, les billets d’avions moins chers que le train… Tout ça est un piège, un leurre. Il ne sert à rien de pleurer sur les méfaits d’un éventuel CPE si, dans un même temps, on adhère à tous les autres principes du libéralisme : consommer, avoir, emprunter, trouver toujours moins cher, faire des (soi-disantes) affaires. Il faudra un jour clairement choisir, soit poursuivre sur la même route et goûter les plaisirs de la nouveauté, de l’instantané, de la modernité (et ne me parlez pas de progrès !) et du crédit bancaire, ou bien dire « stop » et s’intéresser à ce qui est vraiment important dans la vie (avoir une plus grosse voiture que mon voisin ou l'inviter à parler de ses problèmes familiaux ?)
Il est à mon sens plus intéressant de se demander comment freiner cet ultra libéralisme en choisissant de moins consommer, et mieux, et d’abord dans les petits commerces.
Il est aussi plus intéressant de se demander pourquoi les Français sont si forts pour protester en masse dans les rues, mais se révèlent aussi individualistes et timorés à défendre un collègue de travail. D’autant qu’un CDI n’a jamais été un rempart efficace contre les licenciements, avec ou sans période d'essai, il suffit de rechercher combien de personnes ont été licenciées avec CDI pour s’en convaincre.
Il est également primordial de réaliser à quel point la télévision demeure le principal outil porteur des thèses du libéralisme, outil qui ne cherche qu’à capter l’attention du plus grand nombre (y compris avec d’excellents programmes) pour semer les graines du désir de consommer par le biais d’un développement de petites frustrations sournoises.
J’aurais donc envie de dire aux anti-CPE que s’ils manifestent c’est bien, mais cela ne règle rien. Ils seront plus forts s’ils cessent de consommer à outrance, s’ils utilisent les transports en commun, s’ils ne changent pas de portable, de voiture ou de couleur de pantalon à chaque saison, s’ils choisissent un boucher, un poissonnier et un boulanger plutôt qu’un supermarché, s’ils choisissent d’envoyer des cartes postales plutôt que des mails, s’ils se rencontrent plutôt que de « tchater » par MSN, s’ils jettent leur télé et achètent de la presse écrite qu’ils s’échangeront à l’occasion d’un verre d’eau du robinet.
Et pour ceux qui ne sont pas convaincus, je propose un test : allez dans un supermarché, déambulez dans les rayons pendant trente minutes en décidant que vous ressortirez les mains vides. Si vous y parvenez (trente minutes, c’est long), vous êtes, à mon avis, sur la bonne voie… mais vous verrez, c’est très difficile, on a toujours l’impression d’avoir besoin de quelque chose.



Mon commentaire :

Voilà un texte que j'aime beaucoup. Je suis parfaitement d'accord avec toi. Je ne changerais pas une virgule de ton texte, je suis prêt à contre-signer ( sauf peut-être sur les mails, car je crois qu'avec une bon usage cet outil est réellement un moyen d'échange vrai.).


Le CPE ?
Ce n'est qu'un prétexte pour tout le monde.

Pour les politiques:
  • Ceux du gouvernement, c'est la balle dans leur partie de rugby du match 2007. Bizarrement, tous ceux qui sont dans la rue, avec de très bonnes raisons, ouvrent grande la porte de l'Elysée à Sarkosy.
  • Ceux de l'opposition sont tellement contents d'être d'accord sur quelque chose pour avoir le sentiment de retrouver une unité qu'ils n'arrivent pas à faire en grande partie pour des luttes de pouvoirs personnels (comme à droite), plus bien sur, les différences classiques et naturelles des divers courants de gauche.
Pour la population

Les étudiants, les jeunes et tous les autres, ce mouvement qui les emportent ressemble bien plus à une expression d'incompréhension, de rupture de confiance entre les représentants politiques en général et de la population qui ne réclament peut-être pas plus de "moyens, de fric ou de choses matérielles..." Ils veulent du respect et de l'écoute qu'ils ne trouvent plus ailleurs.
Les élections, beaucoup ont compris que c'est devenu un piège. Avec cette extrême droite représentant près d'un quart des électeurs, nous sommes partis pour voter et revoter à plus de 80% pour n'importe qui à droite, Chirac hier, « Sarko » demain et Tartempion ensuite. Quel moyen le "peuple" a t'il pour dire qu'il existe sinon la rue, comme les urnes sont devenues des pièges.
C'est le CPE qui a focalisé le mouvement, mais celui ci aurait pu se nourrir de bien d'autres décisions prises depuis des mois aussi injustes et nous menant tout droit vers une société où une seule valeur existe - l'argent et un seul pouvoir celui du plus fort.
Cette situation n'a rien de réjouissant et elle est franchement dangereuse, car le premier démago ( un existant déjà sur le marché ) ou un autre qui paraîtra tout neuf peut rafler la mise auprès d'une population en quête de reconnaissance.
Celui qui dira "Je vous ai compris" avec des accents de tribun, sans aboyer comme certains, sans bégaiement et langue de bois comme d'autres peut attirer à lui beaucoup de gens prêts à dire OUI au premier qui semble les reconnaître. Et la suite, on ne sait pas...


ps : Quand à la mascarade présidentielle, c'est à mourir de rire ou pleurer de désespoir. Quand un président dit: " Je promulgue une loi, mais je ne l'applique pas" c'est un non respect de tous, des députés et des gens de la rue. Imaginons une seconde une mère disant à son enfant qui a fait une bêtise: "Je te punis, tu ne regarderas pas la télé ce soir" et allume en même temps le téléviseur pour y caler son petit devant l'écran. Avec une telle pédagogie, il y a des événements à attendre…


Sur cette promulgation voir la page suivante de Jean Véronis ( et ce site qui est un délice )
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http://aixtal.blogspot.com/2006/04/lexique-promulgation-pour-les-veaux.html