17 décembre 2010

La bureaucratie n'est pas une spécialité française

Vue sur le monde est le blog (que je lis avec intérêt) d'un français vivant au Chili.

Comment et pourquoi j'ai dû passer l'équivalent chilien du brevet des collèges ?


S'ils n'avaient pas été sympa, j'aurais pu passer la nuit en tôle. Il y a quelques mois, je me suis fait arrêter par la police de la route pour un contrôle de routine. "Papiers, s'il vous plait!". Comme d'habitude, je présente les papiers de la voiture, mon permis de conduire international, et ma carte d'identité d'étranger ayant le permis de résidence définitif au Chili.

Comme d'habitude, je suis entièrement en règle, ma voiture a été récemment révisée, je n'ai pas bu d'alcool et n'étais pas en excès de vitesse. Mais comme d'habitude avec les carabineros, me vient ce sentiment d'insécurité et de crainte que quelque chose se passe mal. Et cette fois, j'ai raison. Extrait de dialogue avec le policier:

- Monsieur, votre permis de conduire n'est pas valide.

- Comment? Mais je me suis fait déjà contrôler plusieurs fois et je n'ai jamais eu de problème.

- Vous avez un visa de résidence définitive au Chili, le permis international n'est plus valide... Qui sont ces gens avec vous dans la voiture?

- Euh... des amis français qui sont en vacances et que je suis allé chercher à l'aéroport.

- Esta bien... Ça va pour cette fois, mais vous devez vous procurer le permis de conduire chilien.

- Je m'en occupe dès demain! Merci officier!

Inutile de dire que je ne me suis pas occupé dès le lendemain de passer le permis chilien. Mais je n'ai pas trop traîné tout de même: je suis sûr que si j'avais été seul dans la voiture, j'aurais eu droit au moins à une amende, au pire à ce qu'ils me paralysent le véhicule jusqu'à ce que j'obtienne ce foutu permis.

Quelques jours plus tard, je me présente donc à la Direccion del Transito de Viña del Mar pour me renseigner sur les démarches à faire pour passer le permis de conduire, en tant qu'étranger résidant au Chili. Après une heure de queue, passée à essayer de me concentrer sur un bouquin de Vargas Llosa dans le bruit ambiant tout en veillant à ne pas me faire piquer ma place, c'est mon tour.

Une employée visiblement pleine d'enthousiasme et de motivation pour son boulot routinier et mal payé me faire signe de m'asseoir. Le procédé est assez simple, m'explique-t'elle: soit je passe le permis comme tout le monde, soit je me débrouille pour faire valider mon permis français par l'ambassade et par un notaire, et j'obtiens automatiquement le précieux sésame.

Je m'apprête à dire merci à l'employée pleine d'enthousiasme et de motivation et tourner les talons, lorsque un doute m'assaille et me fait rasseoir derechef. Regard énervé de l'employée pleine d'enthousiasme et de motivation qui pensait en avoir fini avec moi et avait déjà appelé le numéro suivant.

- Au fait, j'habite à Quilpué, pas à Viña. Mais c'est plus pratique pour moi de passer l'exa...

- Ah, dans ce cas, il faut que vous alliez vous inscrire à Quilpué.

- Je ne peux pas passer l'examen à Viña?

- Non.

- Ah... mais ce sont les mêmes modalités qu'ici, je suppose?

- J'en sais rien. Ça varie d'une municipalité à l'autre. Vaut mieux que vous demandiez là-bas.

Et voilà comment perdre une heure et demie pour rien. Si ce n'est que j'ai appris que chaque commune a ses propres critères et formalités administratives pour l'obtention du permis de conduire -alors que l'examen est le même dans tous le pays. Si ce n'est la certitude qu'il faudra refaire la même heure de queue à la Direccion del Transito de Quilpué. Youpi!

2 ème partie

Après avoir perdu une heure et demie à la Direccion del Transito de Viña del Mar pour m'inscrire à l'examen du permis de conduire, je me suis dit, avant d'aller à la succursale de Quilpué, je vais au moins réunir tous les papiers que m'a indiqués l'employée pleine d'enthousiasme et de motivation du bureau de Viña. C'est donc dossier et photocopies sous le bras que je me présente à la Direccion del Transito de Quilpué, par un beau matin frisquet et nuageux... oui d'accord on s'en fout de ces considérations météorologiques.

Après une nouvelle heure passée à attendre mon tour dans une pièce vieillotte et froide (c'est pour ca que je mentionnais la météo), on m'appelle enfin au guichet. Je présente mon cas. "Vous avez les papiers nécessaires pour l'inscription?"

J'étale la paperasserie sous les yeux pas du tout impressionnés du fonctionnaire. Une demi-seconde de scrutin, et la sentence tombe: "Il me manque le certificat d'études secondaires". Mais à Viña, on m'avait dit qu'une photocopie de mon diplôme universitaires, dûment estampillée par un notaire, suffisait... "Il faut qu'il soit validé par le ministère des Affaires Étrangères et par le ministère de l’Éducation", me répond l'employé d'une voix automatique qui laisse à peine transparaitre toute la passion qui anime ce fonctionnaire exalté. Et ici, pas moyen de faire valoir mon permis français. Pas reconnu par la municipalité. Flûte, ils sont exigeants, à Quilpué! Sans doute plus méfiants à l'égard des étrangers que les Viñamarinos, nettement plus habitués aux Américains, Européens, Brésiliens ou autres.

Je ressors de là avec de nouveau la sensation d'avoir perdu mon temps. Avec une désagréable certitude, aussi: il me faudra passer l'examen du code de la route et l'examen pratique, puisque permis français ou international ne valent rien à Quilpué. Et avec une question: combien de temps faudra-t-il pour que mon diplôme universitaire soit validé par les deux ministères, tous deux basés à Santiago, et qui ont bien évidemment d'autres chats à fouetter; pardon, d'autres document nettement plus importants à valider?

Plein d'espoir, ou plutôt à moitié plein, je décide de me diriger vers le Secrétariat régional du ministère de l’Éducation, à Viña del Mar, en quête d'information. J'espère secrètement pouvoir les enjôler suffisamment, en montrant patte blanche et pleurnichant un peu, pour que le directeur local appose le tampon du ministère sans devoir envoyer mon diplôme et ma requête à Santiago. Rien n'y fait: dans une réponse courtoise mais désespérément zebdacienne, cet homme débonnaire me dit: "Je crois que ca va pas être possible".

Et d'ajouter que le temps d'envoyer mon dossier à Santiago, qu'il soit traité par les deux ministères et renvoyé à Viña, ca prendrait bien trois mois. Connaissant la bureaucratie locale, je traduis par "au minimum trois mois, voire plus". Face à mon désarroi non dissimulé, le débonnaire directeur me dit: "Vous savez, ce qui serait plus simple et plus rapide, c'est que vous passiez le brevet des collèges. Vous avez un diplôme universitaire, ce devrait être une simple formalité".

Si tu veux conduire, passe le brevet d'abord! En voilà une idée! Alors évidemment, je m'inquiète un peu: je n'ai jamais étudié au Chili, comment puis-je faire pour passer un examen sans avoir idée de ce qu'il y a au programme, notamment l'Histoire (même si, je dois dire sans modestie aucune, je connais mieux les principaux épisodes de l'Histoire locale que la majorité des Chiliens)?

Je dois avoir l'air assez perplexe, car le débonnaire directeur se sent obligé de me rassurer: "Ne vous en faites pas: on demande aux candidats au permis de conduire de présenter leur certificat d'études afin de s'assurer qu'ils sont capables de lire les panneaux et indications sur la route, rien de plus. Je vais faire passer votre dossier à un centre d'études pour adultes, en précisant que vous avez juste besoin du certificat pour le permis de conduire. Demandez à voir le doyen des professeurs de ma part".

Et moi qui pensait que tout cela ne serait qu'une formalité administrative...

Troisième partie :

Résumé des épisodes précédents:

Face à l'impérieuse nécessité de passer le permis de conduire chilien, diverses péripéties et réglementations m'ont amené à devoir prouver que je sais lire et écrire, condition sine qua non pour s'inscrire à l'examen et obtenir le permis. Me voici donc dans l'obligation de passer l'équivalent chilien du brevet des collèges.

Centre d'études pour adultes Los Castaños de Viña del Mar. C'est ici, dans cet immeuble vétuste, que j'ai rendez-vous avec le doyen des professeurs. J'espère pouvoir obtenir de passer une sorte d'examen spécial, et tout de suite. Je vais pas attendre la date nationale à laquelle tous les élèves de 14 ans passent le brevet, quand même! "Dites que vous venez de ma part", avait dit le débonnaire directeur du Secrétariat régional de l’Éducation... Ça doit bien servir à quelque chose, non?

Me voici donc à la porte. Opaque, et close. Je colle l'oreille: pas un bruit. On est vendredi matin, et le centre semble sans vie. Étrange. Je tourne en rond, cherche une autre entrée, regarde à travers les fenêtres: rien. Finalement, une femme de ménage m’aperçoit et entrouvre la porte:

- "Qu'est-ce que vous cherchez?"

Je me faufile, demande à voir le doyen des professeurs. On m'intime d'attendre dans un sombre couloir. J'attends. Des adolescents à problème courent et crient dans les escaliers. Visiblement, cet endroit est plus un centre de réinsertion qu'autre chose. Je me demande un peu où j'ai mis les pieds. Finalement, on me fait passer dans le bureau du doyen. Je ne le sais pas encore, mais c'est là que mon récit va prendre tout son piquant.

Me reçoit un monsieur affable, propre sur lui, d'une soixantaine d'années raffiné:

- Ah, vous voulez passer le permis de conduire. Il vous faut un certificat d'études. Ah, vous êtes français? ah, c'est merveilleux! J'aime beaucoup la France, le français... Je vois que vous avez de l'éducation... Alors parlez-moi de la France, un peu... Bordeaux? Ah oui, je connais, c'est très beau! Le vin, tout ca...

On frappe à la porte. Le professeur grimace: on le dérange en pleine délectation pour le récit de son interlocuteur français, et par conséquent incontestablement raffiné. Entrez. Pendant que le vieil enseignant règle les affaires courantes, je jette un coup d’œil à l'exigu bureau: modeste, exigu, avec un ordinateur de l'ère MS Dos, et une collection de bouquins scolaires plus vieux que moi: visiblement, on a raclé les fonds publics qui restaient pour financer cet endroit. Mais pas le temps d'inspecter plus en détail: le doyen renvoie vite l'opportun. Fermez la porte derrière vous, et que l'on ne nous dérange pas.

Ça ne fait pas cinq minutes que je suis là, et je me rends bien compte que ce monsieur est attiré par ma jeunesse et ma franchouillarditude élégante (sic!). Je suis comme une bouffée d'air frais, pour cet homme qui est entouré quotidiennement d'adolescents et adultes sans éducation. Le voilà qui se penche vers moi, s'accoude à son bureau, pose délicatement sa tête dans sa main d'un geste efféminé, et lâche d'une voix mielleuse: parlez-moi un peu de la France, c'est tellement beau... Et puis de vous: qu'est-ce qui vous amène là?

L'espace d'une seconde, je suis un brin décontenancé. Je ne suis pas là pour faire ami-ami avec un vieux professeur homosexuel libidineux. Mais voyant que ce serait le moyen le plus rapide et le plus sûr d'obtenir ce que je suis venu chercher, je joue le jeu et répond avec une certaine emphase. Je lis dans ses yeux qu'il est enchanté de m'écouter parler et que je le fais voyager, à parler du pays de Molière avec cet accent "tellement beau".

Et puis soudain, il s'ébroue, se rejette en arrière, revient à la réalité et la raison de ma visite: Bon, il faut que je vous fasse faire un test. Gestes d'agacements: ces formalités administratives sont tellement fastidieuses... Vous êtes un universitaire, pas besoin de vous faire l'examen complet... Tenez, prenez ce livre. Lisez.

Et me voilà parti à lire une fiche de lecture sur Don Quichotte et les moulins à vent de l'Extramadura. Au bout d'une page: çà suffit, c'est bien. C'est beau comme je lis, avec mon accent français! Merci bien, professeur. S'ensuivent quelques questions de compréhension du texte. Facile. Le doyen semble s'ennuyer et rechigne à me faire passer un test complet.

En théorie, en plus de l'épreuve d'espagnol, il y a un test de mathématiques, un autre de sciences naturelles, et une épreuve intitulée "Sciences sociales". Il imagine que si j'ai un diplôme universitaire, je sais compter jusqu'à 10. Bingo, professeur! La parlotte continue: quelques digressions sur la France, la politique, la littérature, blablabla, et voilà pour les "sciences sociales"! Mon accent français, mon sourire et mes bonnes manières font le reste: j'ai définitivement conquis le cœur du doyen.

Il sort une feuille de notes, me met 6 (sur 7) à toutes les matières, accompagné de "très bien" pour tout commentaire, et va faire tamponner le bulletin par le directeur. Et voilà: au bout de trois quarts d'heure, j'ai mon brevet des collèges, et suis autorisé à entrer au lycée!

Ça m'aura pris du temps et des démarches pour pouvoir passer le permis de conduire, mais rien que pour çà, çà valait la peine! Et j'ai finalement obtenu mon permis. Mais çà n'est pas assez intéressant pour mériter un nouvel article.


Site - http://www.vusurlemonde.com/

Voici le lien vers un autre blog de Bertrand, français de Valparaiso

04 août 2010

Rosa Luxemburg – Rosa, la Vie

Anouk Grinberg a choisi des textes parmi les lettres écrites par Rosa Luxemburg pendant ses quatre années de prison ( parce ce qu’elle s’opposait à la guerre en 1914 ).

Cette lecture ne peut laisser indifférent.

Connue pour ses idées révolutionnaires, Rosa Luxemburg est aussi une scientifique, une amie fidèle mais surtout elle est capable pendant des années, de vivre, de s’émouvoir au fond d’un cellule, coupée du monde.


Le poing et la plume

Blogs.arte.tv – Le poing et la plume

Rosa Luxemburg - Anouk Grinberg

Lorsque j’étais en fac d’allemand à la Sorbonne, j’avais été invité à plancher sur des textes de personnages historiques comme Karl Liebknecht. Exercice difficile parce qu’il exige une extraordinaire connaissance des faits avant d’entrer dans l’étude du texte proprement dit. Liebknecht, révolutionnaire spartakiste, fut assassiné en même temps que Rosa Luxemburg, le 15 janvier 1919, par les Corps Francs. Ces derniers obéirent aux ordres donnés par le pouvoir social-démocrate qui voyait d’un très mauvais œil que les Rouges sèment l’agitation dans le pays et cherchent par tous les moyens à établir une république des Conseils derrière laquelle le SPD voyait la main de Moscou.

Co-fondatrice du mouvement spartakiste – l’ancêtre du parti communiste – Rosa Luxemburg était surnommée « La Rouge » mais aussi, et c’est plus surprenant : « La Sanguinaire ». Un personnage que nous serions bien avisés de redécouvrir. Rien de plus simple : jusqu’au 9 octobre, Anouk Grinberg lit quelques-unes des lettres écrites par la révolutionnaire allemande au théâtre de la Commune, à Aubervilliers. Il s’agit d’une reprise car la comédienne s’était déjà livrée à cet exercice sur la scène de l’Atelier. N’ayant malheureusement pas la possibilité d’assister à ce spectacle, j’ai écouté avec passion le CD livré avec ce livre préfacé par mon confrère Edwy Plenel :

J’ai d’abord découvert une femme exemplaire de droiture. Elle ne lâche rien, pour reprendre une expression d’aujourd’hui. Ces lettres, écrites en prison – elle avait en effet « osé » s’opposer à la Première Guerre Mondiale - témoignent d’une force de caractère absolument incroyable. Et pourtant, comme il est rappelé, les obstacles ne manquaient pas sur la route de ce personnage « triplement marginal : femme, juive, polonaise » (ces mots sont du journaliste Sebastien Haffner).

Il est stupéfiant de voir que c’est l’indignation et la volonté de changement qui donnent lieu à une action politique et à un discours. Luxemburg parle avec ses tripes. Elle veut une transformation radicale de la société qui soit à la hauteur de son indignation. Cela la transforme-t-elle pour autant en dictateur, en femme assoiffé de sang ? Non puisqu’elle-même dit : « La liberté c’est toujours la liberté de celui qui pense autrement ».

On découvre une femme qui maintient le cap malgré la durée de l’enfermement (« M’en aller d’ici. (…) Mon petit cœur a ensuite reçu une tape et il a dû se soumettre. Il est déjà dressé à obéir comme un chien »), qui s’interroge sur son rôle (« Si je virevolte dans le tourbillon de l’Histoire, c’est par erreur »). Tantôt pleine d’attention comme avec Sonia Liebknecht, la femme de Karl, tantôt pleine de fureur – une fureur parfois contenue – comme avec Mathilde Wurm, mariée à un social-démocrate qui, « comme le lait, a mal tourné ».

Il faut rendre grâce à Anouk Grinberg d’avoir si magnifiquement « interprété » Rosa Luxemburg. Grâce à elle, l’extraordinaire personnalité de la révolutionnaire apparaît dans sa matière brute. On pourrait presque dire que la dimension politique du personnage ne vient qu’ensuite. On se met même à rêver de leaders qui pourraient s’inspirer d’un tel élan. Ecoutons-là encore : « J’ai assez de tempérament pour incendier une steppe ».

Ne pensez pas, à la lecture de ces lignes, que je suis aveuglé. Non. Je suis juste ébloui par une telle force, un tel mouvement. Rosa Luxemburg donne un coup dans la fourmilière. Nous assistons au spectacle et la meilleure chose qui reste à faire, ensuite, est de garder en tête ses paroles. Non pas pour les apprendre par cœur comme un benêt qui veut réciter son bréviaire de bon militant de la cause. Au contraire : pour confronter ce discours avec ses propres convictions, mettre à l’épreuve son propre esprit critique. Rester en éveil, ne jamais abandonner. C’est peut-être ce qu’il y a de plus frappant ici.

Frappant aussi de voir que, 90 ans après sa mort, Rosa Luxemburg fait même parler d’elle dans les journaux. Il se pourrait bien, en effet, que ce ne soit pas la révolutionnaire qui repose au cimetière berlinois de Friedrichsfelde. Une enquête est en cours.

Comme si l’instinct de vie et l’exigence de vérité l’emportaient toujours quand il s’agit de Rosa Luxemburg.



Pour mieux la connaître voici quelques liens :

18 février 2010

Admiration pour Florence AUBENAS

Je reprends cet article de juin 2005.

En février 2010 Florence Aubenas est de nouveau dans l'actualité.
Cette fois, c'est en qualité de journaliste.
Elle a vécu une expérience particulière pendant six mois.
Après s'être éclipsée de sa rédaction, elle a choisi de vivre la vie d'une intérimaire.

Elle a occupé un travail à Caen dans une société de nettoyage sur les ferrys, complètement incognito.

Elle vient de publier un livre pour raconter la vie d'une intérimaire. ( de beaucoup d'intérimaires )

Le nouveau livre de Florence Aubenas

" Le Quai de Ouistreham " : à paraître le 18 février 2010.

Comment vit-on en France, aujourd’hui, quand on a un revenu inférieur au Smic – voire pas de revenu du tout ?

Pour le savoir, Florence Aubenas quitte temporairement sa famille, ses amis et son emploi de grand reporter au Nouvel Observateur pour vivre pendant six mois dans la France de tout en bas.

Embauchée d’abord comme femme de ménage dans une ville de province, cumulant les contrats précaires, elle plonge dans un autre monde.

Un monde où le travail est rare et les nuits brèves, l’exploitation maximale et la solidarité active. Où les lieux de rencontre sont le Pôle emploi et l’hypermarché local.

Entre colère et résignation, chacun lutte pour sa survie.

Document exceptionnel sur des Français invisibles, ce livre est aussi une extraordinaire galerie de portraits, un récit où la condition humaine se dévoile dans toute sa nudité.

Comme le classique Dans la dèche à Paris et à Londres (George Orwell), Le quai de Ouistreham devrait faire date dans l’histoire du journalisme.

http://www.editionsdelolivier.fr/

Informations [pratiques]

  • Prix éditeur : 18 euros
  • Nombre de pages : 220 pages
ISBN : 9782879296777

Voici quelques liens qui racontent cette expérience.

Liens :

J'ai écouté la conférence de presse de Florence Aubenas quelques jours après sa libération d'Irak, avec une émotion intense.
Sa simplicité, sa lucidité, son humour, sa grandeur, sa dignité ont révélé une personne exceptionnelle, une "grande dame".
Si vous n'avez pas eu l'occasion de l'écouter et de la voir, voici le lien qui vous permettra de vous faire votre opinion personnelle.

Web >>>
Conférence de presse - Durée 1 h 38 mn - TV5 et Libération
.
J'espère que ce document restera disponible en ligne longtemps
C'est une superbe leçon pour nous tous.

01 février 2010

Jesús León Santos, un paysan mexicain - Prix de l'environnement 2008


Jesús León Santos
Cedicam-1a par jonclark500

Source du texte : Le blog de Cécile O

Le Prix Goldman Pour L’environnement

Peu le savent, mais il existe un prix de type « Nobel » pour l’écologie.
En 2008, il a été gagné par Jesús León Santos de 42 ans, un paysan mexicain indigène, qui a réalisé au long de ces 25 dernières années un travail extraordinaire de reforestation dans sa région de Oaxaca (sud du Mexique).


La récompense se nomme « Prix Goldman pour l’environnement »

Il a été créé en 1990 par deux généreux philanthropes et citoyens engagés des Etats-Unis, Richard N. Goldman et son épouse Rhoda H. Golman. Il consiste en une dotation de 150 000 Dollars US et s’attribue chaque année, au mois d’avril, à San Francisco.

Jesús León Santos l’a obtenu parce que, lorsqu’il avait 18 ans, il a décidé de changer le paysage où il vivait, dans la Mixtèque haute, la « terre du soleil ». Cela avait l’allure d’un panorama lunaire : étendues incultes et poudreuses, sans arbres, sans eau et sans fruits. Il fallait parcourir de grandes distances pour aller chercher de l’eau et du bois. Presque tous les jeunes émigraient pour ne jamais revenir, fuyant de tels plateaux et une vie si dure.

Avec d’autres habitants du lieu, Jesús León se fixa l’objectif de reverdir les champs. Et il décida de recourir à des techniques agricoles précolombiennes, que lui avaient enseignées des indiens guatémaltèques, pour convertir des terres arides en zones de cultures et boisées.

Comment mener à terme le projet ? En faisant revivre un outil indigène oublié lui aussi : le « Tequio », le travail communautaire non rémunéré. Il réunit quelques 400 familles de 12 municipalités, créa le Centre de Développement Paysan Intégral de la Mixtèque (Cedicam en espagnol), et ensemble, avec des moyens extrêmement limités, ils se lancèrent dans la grande bataille contre la principale responsable de la détérioration : l’érosion.

Dans cette région mixtèque, plus de 50 000 hectares ont perdu à peu près 5 mètres de hauteur de sol depuis le XVIe siècle. L’élevage intensif de chèvres, l’excès de troupeaux et l’industrie de production de chaux qu’établit la Colonie détériorèrent la zone. L’usage de la charrue de fer et la coupe intensive d’arbres pour la construction des imposants temples dominicaux contribuèrent assurément à la désertification.

Jesús León et ses amis impulsèrent un programme de reforestation. Au pic et à la pelle ils creusèrent des fossés-tranchées pour retenir les eaux des quelques pluies, il semèrent des arbres en petites pépinières, travaillèrent l’abonnement et plantèrent des haies vives pour empêcher la fuite de la terre fertile.

Tout cela favorisa un regain aquifère. Puis, dans un effort titanesque, ils plantèrent environ quatre millions d’arbres d’espèces natives, acclimatés à la chaleur et sobres en absorption d’eau.


Puis ils se fixèrent le but d’obtenir la souveraineté alimentaire pour les communautés indigènes et paysannes.

Ils développèrent un système d’agriculture durable et organique, sans pesticides, grâce au sauvetage et à la conservation des semences natives du maïs, céréale originaire de cette région.

Ils ont surtout planté une variété très particulière au lieu, le « cajete », une des plus résistantes à la sècheresse. Elle se plante en février et mars, époque la plus sèche de l’année là-bas, avec très peu d’humidité dans le sol, mais quand arrivent les pluies elle croît rapidement.

Au bout d’un quart de siècle, le miracle s’est produit.

Aujourd’hui, la Mixtèque haute est restaurée. Elle a reverdi. Des sources ont surgi, avec davantage d’eau. Il y a des arbres et de la nourriture. Et les gens n’émigrent plus.

Maintenant, Jesús León et ses amis luttent contre les transgéniques, et plantent quelques 200 000 arbres chaque année…

Chaque jour ils font reculer la ligne de la désertification. Avec le bois des arbres on a pu récupérer une activité artisanale qui avait disparu : la confection, en ateliers familiaux, de jougs de bois et ustensiles d’usage courant.

De plus, en des points stratégiques ont été enterrées des citernes en ciment armé, de plus de 10 000 litres de capacité, qui recueillent aussi l’eau de pluie en vue de l’arrosage de serres organiques familiales.

L’exemple de Jesús León se voit imité à présent par plusieurs groupes voisins, qui ont créé également des pépinières communautaires, et organisent ponctuellement des plantations massives.








Quelques liens :

28 janvier 2010

Le travail des enfants


Ma première réflexion sera de me dire qu'en peu de temps un grand progrès à été parcouru.

1874, ce n'est pas le Moyen âge
C'est l'année de naissance de mes grand-parents.
Ma mère était à 12 ans servante dans une ferme (après 3 ans de scolarité, de 9 à 12 ans), car son père, ouvrier agricole était de condition très modeste. Elle aurait pu rester plus longtemps à l'école en entrant au « juvénat ». Les « bonnes » élèves de familles modestes étaient cooptées par les religieuses et c'étaient le moyen de promotion sociale.

Ce texte juridique de 1874, un peu rébarbatif, est plein d'enseignements sur la société française de cette époque. Pour en faciliter la lecture, j'ai « colorié » les passages les plus significatifs des mœurs, de la religion, et des conditions de travail. Ce texte est riche également de longues listes de métiers aujourd'hui disparus.

Une première loi limitant le travail des enfants, votée en 1841, demeure sans effet. Ceci rend donc nécessaire l'élaboration d'un second texte de loi. L'idée, à plusieurs reprises d'actualité sous le Second Empire, se concrétise le 19 mai 1874, après plusieurs mois de débat à la Chambre des députés.

Défait par les armées prussiennes, la France de la Troisième République connaît alors une grave crise morale. L'une des raisons avancées pour expliquer les causes de ce désastre est la faiblesse de la constitution des conscrits français face à celles de leurs ennemis. La limitation du travail des enfants doit leur permettre une croissance plus saine.

Nous sommes aujourd'hui choqués par le travail des enfants encore pratiqué dans de nombreux pays, que l'on regarde avec « condescendance ». Soyons modestes, car à l'échelle de l'histoire, nous en étions au même point voici seulement trois générations.

J'observe également que les industriels essayaient d'obtenir des dérogations à la Loi disant que leur industrie était en danger. Cela rappelle les réactions lors de l'application des 35 heures plus récemment.


Avant d'entrer dans des textes froids et secs,
lisons un texte décrivant ces enfants aux travail.

« Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?

Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?

Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ?

Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules ;

Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement

Dans la même prison, le même mouvement

Accroupis sous les dents d'une machine sombre,

Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre,

Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,

Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue.

Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las… »

Victor Hugo



06 janvier 2010

L'homme qui plantait des arbres

Une demie-heure de pure beauté.

Cela vaut le coup de s'arrêter, d'écouter le silence d'un homme qui a trouvé le bonheur...




Le texte intégral

04 janvier 2010

Rita Levi-Montalcini - Portrait de femme

Source : http://clairemarie.blog.24heures.ch/archive/2009/02/23/rita-levi-montalcini.html

Voir présentation « Powerpoint »

« "Il vaut mieux ajouter de la vie à ses jours

que des jours à sa vie »

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Voici une petite interview

de Rita Levi-Montalcini

100 ans

née le 22 avril 1909 à Turin (Piémont).


- Comment célébrer vos 100 ans ?

Ah, je ne sais pas si je vivrais jusque là et de plus les célébrations ne me plaisent pas. Ce qui m'intéresse et me plait, c'est ce que je fais chaque jour.

- Et que faites-vous ?

Je travaille à obtenir des bourses d'étude pour des fillettes africaines afin qu'elles étudient et se préparent à travailler pour l'avancement de leur pays. Je continue ma réflexion.

- Vous n'êtes pas à votre retraite ?

Jamais ! La retraite détruit le cerveau. Plusieurs personnes à la retraite abandonne, cela tue le cerveau et rend malade.

- Comment fonctionne votre cerveau ?

Exactement comme à mes 20 ans. Je ne note aucune différence dans mes désirs ni dans mes capacités. Demain je participerai à un congrès médical.

- Mais n'y aurait-il pas quelque limite génétique ?

Non, mon cerveau aura bientôt un siècle ...., la mais il ne connaît pas la sénilité. Mon corps se ride, c'est inévitable, mais pas le cerveau.

- Comment cela se fait ?

Nous jouissons d'une grande plasticité neuronale : même si des neurones meurent, celles qui restent se réorganisent afin de maintenir les mêmes fonctions, mais encore faut-il les stimuler.

- Aidez-moi à le faire.

Maintient des désirs, active ton cerveau, fais-le fonctionner, ainsi il ne dégénérera jamais.

- Et je vivrai plus longtemps ?

Vous vivrez mieux les années que vous aurez à vivre, et c'est cela qui est intéressant. Le secret c'est demeurer curieux, engagé et avoir des passions.

- La vôtre fut la recherche scientifique.

Oui, et je continue aussi passionnée.

- Vous avez découvert comment croissent et se renouvellent les cellules du système nerveux.

Oui, en 1942. J'ai appelé cette découverte : "nerve growth factor NGF" (facteur de croissance nerveuse), et pendant presqu'un demi-siècle je fus interdite, jusqu'à ce que soit reconnue la validité de ma découverte. En 1986 je reçu pour cette découverte la prix Nobel.

- Comment une jeune fille italienne des années 20 a-t-elle pu parvenir à être neuroscientifique ?

Depuis mon enfance je me suis dédiée à étudier. Mon père voulait que je fasse un bon mariage, que je sois une bonne épouse et une bonne mère...

Mais j'ai refusé. Je me suis tenue devant lui et je lui ai dit que je voulais étudier.

- Quelle contrariété pour papa non ?

Oui, c'est que je ne me sentais pas heureuse enfant. Je me sentais un vilain petit canard, sotte et très peu de chose. Mes frères ainés étaient brillants et je me sentais tellement inférieure.

- Je vois que vous avez fait de cela un stimulant.

Oui, mais l'exemple du docteur Albert Schweitzer, qui était en Afrique pour pallier à la lèpre, m'a aussi stimulée. J'ai désiré aider ceux qui souffraient, c'était mon grand rêve.

- Vous l'avez réalisé..., au moyen de la science. Et aujourd'hui aider les fillettes d'Afrique afin qu'elles étudient.

Nous luttons contre la maladie, qui, mais tout peut s'améliorer si nous arrêtons l'oppression de la femme dans ces pays islamiques.

- La religion freine-t-elle le développement cognitif ? Le développement de la connaissance ?

Oui le religion marginalise la femme face à l'homme, elle la met de côté quant au développement des connaissances.

- Existe-t-il une différence entre le cerveau d'un homme et celui d'une femme ?

Seulement dans les fonctions cérébrales qui sont en relation aux émotions liées au système endocrinien. Mais quant aux fonctions cognitives, il n'y a aucune

différence .

- Pourquoi n'y a-t-il encore que très peu de femmes scientifiques ?

Non, ce n'est pas ainsi ! Plusieurs découvertes scientifiques attribuées à des hommes furent en vérité l'œuvre de leur sœurs, épouses ou filles.

- C'est vrai ?

On n'admettait pas l'intelligence féminine, on la laissait dans l'ombre. Heureusement aujourd'hui il y a plus de femmes que d'hommes dans l'investigation scientifique :

- les héritières d'Hypatia , la sage Alexandrine du IV siècle.

Maintenant nous ne terminerons plus assassinées dans la rue par les moines misogines chrétiens, telle qu'elle le fut. Certainement quelque chose s'est amélioré dans le monde.

- Personne n'a essayé de vous assassiner ....

Durant le fascisme, Mussolini voulu imiter Hitler dans la persécution juive ... je dus me cacher un temps. Mais je n'ai pas cessé mes recherches :

j'ai monté mon laboratoire dans ma chambre à coucher ... et c'est en ce temps que j'ai découvert l'apoptosis, c'est à-dire la mort programmée des cellules.

- Pourquoi y a-t-il un pourcentage si élevé chez les juifs de scientifiques et d'intellectuels ?

L'exclusion a provoqué chez les juifs le travail intellectuel : on peut tout prohiber, mais non ce que tu penses. C'est certains qu'il y a plusieurs prix Nobel parmi le juifs.

- Comment vous expliquez-vous la follie nazie ?

Hitler et Mussolini surent parler aux foules, là c'est le cerveau émotionnel qui prédomine toujours sur la cerveau néo - cortical, l'intellectuel. Ils manipulèrent les émotions, non la raison.

- Est-ce encore ainsi aujourd'hui ?

Pourquoi croyez-vous que dans plusieurs écoles des états-unis on enseigne le créationnisme au lieu de l'évolutionnisme ?

- L'idéologie est émotion, elle est sans raison.

La raison est fille de l'imperfection. Chez les invertébrés tout est programmé, ils sont parfaits. Nous non !

Étant imparfaits, nous avons recours à la raison, aux valeurs étiques : discerner entre le bien et le mal c'est le plus haut grade de l'évolution darwinienne'

- Vous ne vous êtes jamais mariée, vous n'avez pas eu d'enfant ?

Non, je suis entrée dans la jungle du système nerveux. Je suis demeurée fascinée de sa beauté et j'ai décidé de lui dédier tout mon temps, toute ma vie.

Ce que dit Rita Montalcini peut être débattu, discuté, nuancé. Il y a de nombreux éléments qui déterminent l'état de santé d'une personne. L'approche holistique nous aide à mieux comprendre les causes, souvent économiques et sociales, qui influent sur le développement d'une personne.

Claire-Marie

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