22 décembre 2006

Tristes « comptes de Noël »


Après des slogans comme
"Votre argent nous intéresse",
voici les
jeux de mots
sur les "contes / comptes de Noël " .

Lisez ci-dessous cet article intégral
publié dans Ouest-France.

Je le trouve tellement juste,
que je souhaite le partager.


Tristes « comptes de Noël »
par Jacques Le Goff - Professeur à la faculté de droit de Brest.

« Chers parents et grands-parents, n'oubliez pas de faire fructifier les comptes de Noël de vos enfants et petits-enfants. »

Voilà le résultat lorsqu'une grande banque nationale ose un calembour !
Les contes de Noël, ces lieux habités de l'imaginaire, ces instants de rêverie qui illuminent le regard des enfants par la magie du « Il était une fois... », ces oasis de lumière dans la grisaille hivernale, les voilà ramenés à la platitude des « comptes » bancaires.

Voilà la part du rêve étouffée par la rentabilité financière, sous le couvert de solidarité entre générations. Mais les grands-parents n'ont pas attendu les banquiers pour s'aviser de leurs devoirs à l'égard de leurs petits-enfants !
En d'autres temps où le conte était indissociable du sacré - mais ne le demeure-t-il pas ? - on aurait parlé de profanation de la pire espèce, puisqu'elle concerne le monde de l'enfance.

Aujourd'hui, on en est réduit à se demander s'il existe encore une réalité capable de résister à l'emprise de la marchandisation généralisée, de l'universel aplatissement par le souci du profit.
Herbert Marcuse nous avait pourtant prévenus dès les années 1970. Rien, annonçait-il, ne résistera à l'hégémonie uniformisante de l'argent.

Vous voyez la poésie la plus élevée, peut-être même la mystique, voisiner avec les boîtes de carottes et le papier essuie-tout... La société de consommation est capable de tout absorber, de tout dissoudre, avec un appétit illimité. Sa capacité de récupération est telle qu'elle parviendra à récupérer à son profit jusqu'aux oeuvres et domaines qui en sont les plus éloignés ou les plus contestataires.

Comme dans le jiu-jitsu, l'art des samouraïs, elle réussit le tour de force de convertir toute énergie, à commencer par celle de son adversaire, à son avantage. Tel est le milieu où apparaît celui que Marcuse nommait « l'homme unidimensionnel », l'homme sans profondeur et sans gravité.


Mais, bien avant lui, un autre penseur et polémiste s'était dit révolté par cette « effroyable » dégradation. Charles Péguy, qui n'a cessé de ferrailler contre ce qu'il nommait la « métaphysique du livret de Caisse d'épargne ». Loin de nous l'idée de stigmatiser ce modeste refuge pour petits revenus, mais voyons-y l'image d'un monde dominé par le calcul généralisé : « Le monde moderne a considéré comme négociables des valeurs que le monde antique et le monde chrétien considéraient comme non négociables. » Celle de la sécurité, non seulement contre les aléas, mais contre les surprises de l'existence ; bref, celle du rentier. Péguy allait plus loin en dénonçant un recul généralisé : «

Pour la première fois dans l'histoire du monde, toutes les puissances spirituelles, ensemble, ont été refoulées par une puissance matérielle qui est la puissance de l'argent. Pour la première fois [...] elles ont reculé sur toute la ligne.

Pour la première fois dans l'histoire du monde, l'argent est maître sans limitation [...]. Le monde moderne, seul étant le monde de l'argent, est le monde d'une totale et absolue matérialité. »
Ces lignes datent de 1914.

Quelle lucidité que le siècle écoulé a si largement confirmée ! Le signe le plus certain du triomphe de l'argent, d'un écrasement qui égalise par le bas, serait que nous nous en accommodions et que nous perdions, face à son insolente assurance, notre capacité d'indignation que l'on peut qualifier de spirituelle.


Article paru le vendredi 22 décembre 2006 en première page d'Ouest-France.

La recherche de gains sytématiques dans les banques ménent à une déhumanisation. Nous trouvons de moins en moins d'interlocuteurs.
  • Le personnel des guichets est réduit.
  • Les heures d'ouvertures des guichets le sont également bien souvent.
C'est au client d'utiliser les appareils automatiques pour de nombreuses opérations.

Si cela est "supportable" et même "pratique" pour les gens jeunes et en bonne santé, cela est un grave problème pour une population qui ne maîtrise pas facilement les appareils électroniques ( personnes âgées ou handicapées ). C'est un petit pas de plus vers l'exclusion.

Tant pis pour eux, qu'il se débrouillent. Les servir coûte trop cher !!!!

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