03 janvier 2007

Les casinos explosent


Dans ma ville, il existe un casino. Cela est pour moi une source d'interrogation.

Dans un site web "Regards", je découvre deux articles sur ce thème.

Les voici ! A chacun de se faire son opinion.

Escroquerie et dépendance : les casinos explosent !

Reflet d'une société malade, les jeux de hasard et d'argent font de plus en plus d'adeptes. Les dépenses des ménages en la matière ont doublé en 25 ans. En 2003, elles atteignaient 130 euros par habitant. Le développement des casinos, une des activités les plus néfastes de ce secteur, est en grande partie responsable de cette augmentation.

En vingt ans, la situation des casinos en France est passée du marasme économique à une croissance impressionnante. Dans les années 60 et 70, de nombreux établissements ferment, la plupart des gros casinos sont en dépôt de bilan. En 1969, on ne comptabilise plus que 155 casinos, en 1985 ce chiffre tombe à 135. Mais en 1988, Charles Pasqua décide d'autoriser les machines à sous -ou bandits manchots- dans les casinos, et Jacques Chabant-Delmas étend leur installation dans les villes de plus de 500 000 habitants « à statut touristique ».

S'ils étaient auparavant réservés à une clientèle aisée, l'arrivée des machines à sous (MAS) va totalement changer la donne. En grande majorité, ce sont les catégories de la population les plus précarisées qui jouent aux MAS, et les casinos réalisent désormais 95 % de leur chiffre d'affaire sur ces machines. D'où l'attrait des casinotiers pour s'installer dans les grandes villes, puisque c'est la population locale qui est visée, des classes moyennes aux plus défavorisées. Ainsi, la fréquentation des casinos passe de 3 millions de visiteurs en 1980 à 65 millions en 2000.

Flambée des profits

Dans les années 1990 et 2000, les chiffres d'affaires explosent et ces temples du jeu d'argent poussent comme des champignons : on repasse à 160 casinos en 1999, 176 en 2000, 197 en 2005, et la frénésie ne s'arrête pas. Le produit brut des jeux de l'ensemble des casinos est passé de 109 millions d'euros en 1986 à plus de 2,6 milliards en 2005 . Le retour sur capitaux (entre 15 et 20 %) ferait pâlir d'envie n'importe quel industriel : une MAS coûte environ 7600 euros à l'achat et peut rapporter jusqu'à 100 000 euros par an.

L'Etat et les communes s'arrogent une bonne partie du gâteau : obligation est faite au casinotier de reverser de fortes royalties. L'Etat empoche e'nviron 800 000 millions d'euros, et certaines communes financent jusqu'à 20 % de leur budget grâce à l'apport des casinos (comme Deauville). Récemment à Lille, le cahier des charges prévoit que le futur casino reverse 15 millions d'euros par an à la ville, soit 15 % de son budget. Mais cette activité et les mannes d'argent qu'elle dégage n'est pas sans conséquences sociales.

Hausse de la précarité au rendez-vous

De nombreuses études démontrent l'effet extrêmement nocif de ces casinos sur la population, et notamment lorsqu'ils s'installent dans les grandes villes. Ce sont tout d'abord les franges les plus défavorisées de la population qui vont constituer la majeure partie de la clientèle. On constate en effet que 46 % des personnes qui jouent au casino sont inactifs, chômeurs ou retraités (1). Le sociologue Jean-Pierre Martignoni soutient que ce sont « les régions où le chômage est plus élevé que la moyenne qui jouent beaucoup et qui épargnent peu » (2). Il démontre également qu'il existe un lien direct entre proximité géographique et fréquentation du casino. Et cela se vérifie au nouveau casino lyonnais : « 80 % des joueurs de notre établissement ne jouaient pas auparavant. Ils se sont découvert un nouveau passe-temps », reconnaît Guy Benamou, le directeur (3).

Les casinos présentent le risque d'une forte dépendance pour les joueurs. Les mises engagées sont en moyenne de 4 à 8 fois supérieures au PMU ou à la française des jeux, et les joueurs y retournent plusieurs fois par semaine. Les études montrent en effet que les MAS induisent un effet addictif particulièrement important par rapport aux autres formes de jeux d'argent, par l'accessibilité, la rapidité ou l'illusion d'adresse procuré aux joueurs. L'environnement d'un casino et le comportement du personnel est aussi fortement conditionné pour inciter « à jouer ». Ces établissements sont donc considérés comme aliénants et créant une dépendance physique. Les répercussions sociales et sanitaires sont alors dévastatrices.

Une drogue dure

D'après le psychiatre Marc Valleur, « que le jeu de hasard et d’argent puisse devenir passion dévorante, obsédante, envahissante, au détriment de tous les investissements affectifs et sociaux est un fait socialement reconnu. Et les milieux scientifiques le considèrent aujourd’hui comme une forme majeure de toxicomanie sans drogue » (4). Le nombre de ces joueurs dépendants est loin d'être négligeable : on estime qu'il sont entre 300 000 et 500 000 en France (5) soit autant voire plus que le nombre de toxicomanes! Et le docteur Jean-Pierre Papart montre que « le syndrome de sevrage présente beaucoup de similitudes avec ceux rencontrés dans les toxicomanies (dysphories, irritabilité, céphalées, douleurs abdominales, tremblements, etc), et demeure à l'origine d'importantes conséquences personnelles ou sociales (séparation, dettes, dépression, suicide, échec professionnel ou scolaire, poursuites judiciaires, etc) (6).

La création d'un casino entraîne donc la création de milliers de « drogués du jeu », et favorise la montée de la précarité et du surendettement. Cela n'empêche pas des grandes villes, comme Bordeaux, le Havre (mairies UMP) ou Lyon (mairie PS), et prochainement Lille (PS) et Toulouse (UMP), de décider d'installer un casino. Ou quand la course à la création d'emploi et aux rentrées fiscales rendent aveugle...

(1) Les jeux d'argent misent sur la crise, Politis n° 802, mai 2004.

(2) Interview dans la Voix du Nord du 28/12/05.

(3) Les nouveaux drogués du jeu, Le Point du 28/06/02 ( n°1554).

(4) Le jeu pathologique, PUF, 1997.

(5) Le figaro du 27/06/06.

(6) Etude sur le jeu pathologique, Université de genève, juillet 2000.

19 décembre 2006 - Simon Grysole

Les communes ont soif de Casinos ...

La déréglementation a permis de multiplier l'installation des casinos dans le pays. Au vu des recettes fiscales qu'ils engendrent, de plus en plus de villes réclament leur casino, fermant les yeux sur les conséquences désastreuses d'une telle activité.

La création d'un casino entraîne la création de milliers de « drogués du jeu », et favorise la montée de la précarité et du surendettement ( voir le 1er article : Escroquerie et dépendance : les casinos explosent! ). Cela n'empêche pas des grandes villes comme Bordeaux, le Havre (mairies UMP) ou Lyon (mairie PS) et prochainement Lille et Toulouse, de décider d'installer un casino. Car l'initiative leur revient. C'est la commune qui décide de l'installation d'un casino et qui négocie les autorisations nécessaires avec le ministère de l'intérieur.

A Lille et Toulouse, on constate de nombreuses ressemblances entre les deux projets de casino. Ils seront tout deux en bordure des quartiers populaires, des centaines de machines à sous (MAS) sont prévues, aucune consultation envers les habitants n'a été organisée, et la société retenue pour l'exploitation du casino est le groupe Barrière, un empire international du jeu et du luxe qui allie profits faramineux et emplois précaires.

Le cynisme des communes

A Toulouse (mairie UMP), le casino qui ouvrira ses portes en 2007 sera le plus grand de France, avec 14000 m2 et plus de 400 MAS prévues, malgré l'opposition des verts, des communistes et d'une association « Un casino à Toulouse, non merci ! ». Sa porte-parole, Marie-Christine Couthenx, est écoeurée. Selon elle, le lieu d'implantation n'a pas été choisit au hasard: « le lieu est complètement inadapté, très mal déservi car il se situe sur une île... mais le casino sera au coeur des quartiers populaires ! Une bouche de métro va même être construite non loin, et va pouvoir drainer les gens du Murail et du quartier d'Empalot (deux quartiers populaires de Toulouse qui comptent 30% de chômage) vers le Casino... C'est ces gens là que le casino va viser! » Elle ajoute : « les mères avec qui j'ai discuté sont catastrophées, par rapport à l'attrait qu'aura le casino sur les jeunes. C'est de la provocation! Avec les problèmes dans les banlieues, ce n'est pas cela qui va calmer le jeu. L'emplacement du casino aurait pu constituer un espace vert de deux hectares pour le quartier d'Empalot, qui n'en possède aucun actuellement ».

Stéphane Dupraz, élu communiste à Toulouse, est aussi très remonté. Lors de son intervention en conseil municipal le 4 mai 2005, il affirma que « la fiscalité sur le casino est au bout du compte une taxe sur la misère, un impôt sur l’illusion. Messieurs les libéraux, l’impôt sur la détresse sociale vous gêne moins que l’I.S.F. !” Il dénonca “l'ignorance et l'irresponsabilité” de la mairie, alors que la dépendance aux jeu est selon lui un véritable “fléau”.

Socialisme et jeux d'argent...

A Lille, où la socialiste Martine Aubry prétend bâtir “une ville de la solidarité”, le casino qui ouvrira début 2009 compte devenir le deuxième casino de France en terme de recettes, avec plus de 350 MAS. Il sera installé à la sortie des quartiers populaires de Fives et Caulier. Mais la différence notoire que l'on constate avec Toulouse, c'est que la mairie de Lille est tenue par une majorité de gauche. Seuls les Verts et l'UDF se sont opposés au projet. Les élus PS, PC et UMP ont fait front commun.

Dominique Plancke, conseiller municipal pour les Verts, semble désabusé. Selon lui, plutôt que des recettes pour la mairie, “on paiera d'abord l'augmentation des dépenses du CCAS (centre communal d'action sociale)!”. Il ne comprend pas que “pour des raisons de fiscalité locale, on soit obliger de pomper un casino!” Il juge la position des communistes très décevante :”j'ai eu un débat avec Eric Renault, premier adjoint communiste de Saint-Amand (qui possède un casino). Il affirmait qu'un casino, c'était une offre de loisir et qu'il n'y avait pas de raison pour que les pauvres n'aient pas accès à un casino. J'étais atterré!”. A Lille, selon lui, “il n'y a pas eu de discussion possible avec les communistes sur ce sujet. Ils répétaient également que les pauvres ont le droit de jouer au casino”.

Quand la finance et l'emploi rendent aveugle

Mais Michel Cucheval, président du groupe communiste à Lille, assume pleinement. Selon lui, « il était clair qu'un casino allait s'installer dans les environs, puisqu'il n'existe pas de casino dans l'agglomération Lille-Roubaix-Tourcoing ». (...) « La mairie en était persuadée, donc autant que cela se fasse à Lille et que cela rapporte ». Selon lui, « on ne peut pas cracher dans la soupe quand une telle opportunité se présente. Lorsque l'on a mis les emplois créés et les recettes dans la balance, on n'a pas eu d'hésitation très longtemps ». Interrogé sur les conséquences sociales, il répond que « s'il y a des incidences négatives, il faudra probablement s'en préoccuper. Si c'est la catastrophe, il faudra prendre des mesures ». Selon lui, la clientèle viendra surtout d'Angleterre ou des milieux d'affaires, contredisant par là toutes les études qui montrent que c'est la population locale qui constitue la majorité des joueurs pour un nouveau casino en centre ville.

Cette frénésie pour les casinos ne semble pas ralentir, bien au contraire. Des casinos sont en projet à Nantes et Anglet (Pyrénées atlantiques), ainsi que dans quatre petites villes touristiques. Et récemment, c'est Lens qui s'est ajouté à cette liste. Grâce à l'annexe du Louvre qui ouvrira bientôt ses portes, la ville espère obtenir le fameux sésame du statut de ville touristique. Le maire socialiste Guy Delcourt projette donc déjà d'installer un casino... sur le parking du stade Félix Bollaert!

On reste sans mot devant un tel mépris envers la population; devant des communes, de gauche comme de droite, qui n'hésitent pas à sacrifier une partie de leurs habitants pour grossir leurs budgets. Les verts de Lille semblent viser juste en affirmant : « A l'heure où la gauche dénonce les excès du libéralisme, les projets de privatisation, la majeure partie de cette gauche accepte sans broncher ce casino! ». Si la candidature anti-libérale n'était pas actuellement en difficulté, une 126ème proposition concernant l'interdiction des jeux de hasard et d'argent serait la bienvenue!

21 décembre 2006 - Simon Grysole


Aucun commentaire: